Des peintures murales de l'Egypte antique attestent déjà de l'utilisation médicinale des sangsues. L'usage thérapeutique des sangsues se poursuit au cours de l'Antiquité romaine, période durant laquelle Pline l'Ancien recommande dans son Histoire Naturelle, le recours aux sangsues contre les hémorroïdes et les douleurs rhumatismales. Les vertus de l'application de sangsues étaient alors attribuées au retrait du "mal", à l'effet "saignée", et non comme le prouvera la science 2 000 ans plus tard, aux molécules contenues dans la salive de la sangsue médicinale. L'usage médicinal des sangsues continue de se développer aux cours des siècles suivants à travers toute l'Europe. La traduction anglaise de sangsue ("leech") provient de l'anglo-saxon "laece", qui signifie médecin.
En 1758, Carl Von Linné nomme et classe la sangsue européenne Hirudo medicinalis, d'où le terme d'hirudothérapie employé aujourd'hui en France. Trente ans plus tard, la Révolution française voit l'usage des sangsues se poursuivre pour seconder des chirurgiens débordés par la quantité de patients à soigner. L'hirudothérapie atteint son âge d'or au début du XIXème siècle avec le médecin breton François Broussais. Le médecin chef du Val de Grâce, considérait que l'inflammation des tissus était la principale responsable de la maladie et préconisait l'hirudothérapie pour bon nombre d'affections comme les phlébites, les migraines, les abcès, ou encore les gastro-entérites. Malgré les excès et les errements de la doctrine de Broussais, l'hirudothérapie montrent certains succès qui vont amener une véritable mode de l'usage des sangsues médicinales. L'engouement fut tel en Europe que l'utilisation exponentielle des sangsues médicinales entraîna une surexploitation du milieu responsable de difficultés d'approvisionnement, de flambée des prix et finalement de la raréfaction de la ressource. La recherche se poursuit dans la fin du XIXème siècle avec la découverte en 1884 par Haycraft des propriétés anticoagulantes de l'hirudine, composé majeur de la salive de la sangsue médicinale. La fin du XIXème siècle voit également naître les découvertes de Pasteur et les concepts hygiénistes reposant sur les balbutiements de la microbiologie moderne alors naissante. Les règles d'hygiène élémentaire à travers l'antisepsie ou la stérilisation des instruments chirurgicaux et des dispositifs d'injection afin d'éviter la transmission de maladies infectieuses, alors légion à cette époque, deviennent la norme. L'industrie pharmaceutique apparait aussi à cette époque et en 1899, la société Bayer dépose le brevet de l'aspirine, concurrent direct de la sangsue.
Dans ce contexte de médecine et de pharmacie modernes naissantes, l'hirudothérapie décline au cours du XXème siècle. Les dernières sangsues quittent définitivement les officines françaises en 1938 et disparaissent du dictionnaire médical de référence Vidal en 1960. Pourtant, ailleurs en Europe, comme en Allemagne, en Suisse, ou plus loin comme en Russie, l'utilisation et la recherche sur les sangsues se poursuivent. En France, il faut attendre les années 70 pour que l'hirudothérapie reviennent dans l'arsenal thérapeutique des chirurgiens. Un professeur de médecine français, le Pr Baudet, sauve un greffon de doigt d'une stase veineuse avec l'aide de sangsues. Depuis, de l'Amérique du Nord à la Russie en passant par l'Europe, l'hirudothérapie est reconnue et utilisée notamment en chirurgie plastique pour la reprise de greffons. Parallèlement, la recherche sur les sangsues médicinales se poursuit et en 1986, la première hirudine de synthèse est produite par génie génétique. Malgré les progrès amenés par la recherche fondamentale et les études cliniques et bibliographiques, avec parfois un poids scientifique fort, l'hirudothérapie est encore, en France notamment, une pratique assez anecdotique.